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dimanche 24 août 2014

Rox et Rouky (1981)

Réalisé par : Richard Rich, Ted Berman, Art Stevens
Avec : Mickey Rooney, Morvan Salez, Kurt Russell


Rox, un renardeau orphelin, est recueilli par la veuve Tartine, une brave fermière. Il se fait vite des amis : Big Mama la chouette, Dinky le moineau et Piqueur le pivert. Un beau jour, Rox fait la connaissance de Rouky, le plus jeune chien de chasse d'Amos Slade, le voisin de la veuve Tartine. Une sincère amitié naît et se développe entre les deux jeunes animaux. Le temps passe. Aux premiers frissons de l'hiver, Amos Slade quitte la région avec Rouky et le vieux Chef, lequel est désormais chargé d'enseigner l'art de la chasse au jeune chien...
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Pour leur 31ième long-métrage d'animation, les studios Disney, à l'époque en crise, mettent en chantier l'adaptation du roman Le Renard et le Chien courant de Daniel P. Mannix paru en 1967. Si l'histoire de Rox et Rouky, deux amis séparés par leur rang social, est l'une des histoires d'amitié les plus connues de l'histoire de l'animation, le long-métrage marque également un bouleversement pour le studio. C'est en effet le dernier film sur lequel travaillèrent Frank Thomas, Ollie Johnston et Wolfgang Reitherman, trois des "Neuf Sages de Disney", qui réalisèrent les chefs-d'oeuvre du premier âge d'or du studio au côté de Walt Disney. Des animateurs de légendes qui, pour leur ultime projet, travaillèrent au côté de la toute nouvelle génération d'animateurs, qui brillera à son tour quelques années plus tard avec les succès de La Petite Sirène, ou La Belle et la Bête. Mais à l'époque, le défi était vertigineux pour ces jeunes animateurs fraîchement débarqués dans la cour des grands, d'autant plus que les seniors décidèrent de leur laisser intégralement les rênes du projet, alors toujours en cours de production. Du départ à la retraite des vétérans de l'écurie Disney, s'accompagne celui d'animateurs mécontents, Don Bluth en tête, qui dénoncent une perte de créativité chez Disney. Mais malgré les ébranlements qu'il connaît, le studio aux grandes oreilles ne perd pas pied, armé de ses jeunes animateurs bien décidés à assurer la relève.


Appliquant les leçons de leurs illustres prédécesseurs, ils mettent avant toute chose un point d'honneur à soigner leurs personnages. Ainsi, chacun d'entre eux trouve parfaitement sa place dans le récit, en commençant par Rox et Rouky, attendrissants et attachants, la sage et protectrice Big Mama, la veuve Tartine au grand coeur, le trio comique Dinky-Piqueur et la chenille, Amos Slide le chasseur colérique, ou encore chef, le chien de chasse un peu bougon, pas très sympathique mais pas fondamentalement mauvais. Ce vieux chien, qui prend Rouky sous son aile pour finalement le voir prendre peu à peu sa place, fait d'ailleurs anecdotiquement écho à la situation du studio à l'époque, véritable croisée des chemins entre deux générations. On constate d'autres thèmes étonnamment sombres et matures pour un film pour enfants, comme la vengeance, le temps qui passe, l'amitié face aux différences, la solitude, la loyauté, le conditionnement, l'intolérance entre classes sociales... Autant d'éléments qui font de Rox et Rouky un long-métrage émouvant, voire déchirant, comme l'illustre la scène où la veuve Tartine abandonne Rox dans la forêt pour le protéger. Sans conteste l'un des moments les plus tristes du catalogue Disney. Heureusement, l'action, la tendresse et la légèreté sont suffisamment présents pour faire l'équilibre et égayer le tout, malgré un final en demi-teinte surprenant de réalisme, car même si tout finit bien, chacun mène finalement sa vie de son côté.






Dernier film du studio réalisé intégralement à la main, Rox et Rouky jouit de graphismes d'une finesse épatante, d'une animation honnête, et de décors champêtres emprunts de charme et de nostalgie. Il faut néanmoins constater quelques failles, à commencer par un rythme assez faiblard, des éléments sous-exploités comme l'enfance des deux héros, l'introduction maladroite de la renarde destinée à marquer l'évolution de Rox, ainsi que des chansons assez peu mémorables, bien qu'elles aient l'avantage de servir au scénario. Autre point regrettable, fut le choix de ne pas faire mourir Chef pour ménager le jeune public, une disparition qui semblait pourtant nécessaire afin de justifier pleinement la haine éprouvée par Rouky envers son ancien ami Rox. Malgré ces défauts, Rox et Rouky demeure un incontournable du catalogue Disney, tour à tour calme, brutal, émouvant, drôle, effrayant et attendrissant, marquant les esprits avec son histoire d'amitié hors norme.

Ma note: 14/20

vendredi 22 août 2014

Dark Shadows (2012)

Réalisé par : Tim Burton
Avec : Johnny Depp, Michelle Pfeiffer, Helena Bonham Carter



Barnabas Collins est un vampire emprisonné par une sorcière. Enfin libre, il retourne chez lui où ses descendants lointains ont besoin de son aide.
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Après son Alice au Pays des Merveilles qui a suscité autant d'impatience que de déception, Tim Burton se lance dans l'adaptation sur grand écran de la série télévisée Dark Shadows de Dan Curtis, diffusée en pleine journée entre 1966 et 1971. Un projet tout indiqué pour le cinéaste à l'univers sombre et onirique lui-même fan de la série TV, tout comme son acolyte de longue date Johnny Depp, qui lui avait jadis confié rêver d'interpréter le personnage de Barnabas Collins. Vœu émis, vœu accomplis ! Les deux hommes rempilent ainsi pour leur huitième collaboration, dans une aventure gothico-fantastique qui se présente comme un condensé du cinéma Burtonien. Il y a d'abord ce prologue, esthétique, macabre et envoûtant, où s'échappe de la brume du cap des veuves une atmosphère à la Sleepy Hollow ou Sweeny Todd. Bercées par la BO d'un Danny Elfman visiblement en forme, ces premières minutes galvanisent chez le spectateur l'espoir de retrouver en Burton ce conteur d'exception qui depuis quelque temps, semble avoir perdu un peu de son doigté.
Une fois le décor planté au 18ième siècle, le long-métrage fait un bon en avant de 200 ans, projetant Barnabas Collins, désormais vampire, en plein dans les seventies. L'humour anachronique pointe alors vite le bout de son nez, tant par les dialogues que par des comiques de situations assez juteux bien qu'attendus, malgré la comparaison un peu gênante mais très tentante avec Les Visiteurs pour les frenchies que nous sommes. Bien heureusement, le cinéaste ne s'en arrête pas là, mettant à profit les spécialités qu'on lui connaît, son long-métrage fourmillant ainsi d'humour noir mordant, tout en jonglant entre hommage et parodie affectueuse aux films du genre. Ainsi, grâce à son second degré, Dark Shadows devrait même satisfaire certains réfractaires à la mode vampirique persistante de ces dernières années.


Mais bien que dynamisé par son humour et son ton décalé, le scénario souffre de l'absence d'enjeux forts, de zones creuses, et de la multiplication de sous-intrigues qui se retrouvent finalement éclipsées, à force de vouloir en faire et en montrer trop. Ainsi, certains éléments et personnages finissent par passer un peu à la trappe, comme l'histoire mystérieuse de Victoria Winters, ou encore son lien amoureux avec Barnabas, pourtant élément clé du récit. Un manque d'approfondissement qui entache ainsi cette famille Collins, qui échoue là où La famille Adams avait autrefois réussi. Le potentiel était pourtant là, de la matriarche dépassée mais volontaire, en passant par le docteur aux intentions insoupçonnées, le jeune David perturbé, les domestiques atypiques, jusqu'à la jeune adolescente un peu déconnectée qui brille le temps d'une danse improvisée à l'heure du dîner. Une bande de freaks, de marginaux largués par une société gangrenée par l'appât du gain, comme Burton les affectionne tant. Pour l'occasion le cinéaste s'est entouré d'une jolie troupe d'acteurs, des habitués comme Johnny Depp, impeccable bien que finalement très répétitif dans son jeu, Helena Bonham Carter, fidèle à elle-même, Christopher Lee ou encore Michelle Pfeiffer, qui retrouve Burton plus de vingt ans après Batman, le défi. Du côté des nouveaux on citera la jeune actrice Chloë Grace Moretz, charmante malgré un jeu un peu too much, la douce Bella Heathcote, mais surtout notre Eva Green nationale, sulfureuse et diabolique en sorcière blonde, piquant haut la main la vedette à Johnny Depp. Elle fait une Angelique Bouchard perfide et cruelle, mais pour qui on serait tenté d'éprouver un soupçon de compassion, tant elle est déchirée par sa passion pour Barnabas. Ce dernier, véritable personnage tragique et romantique, n'aura de cesse de chercher à conjurer le sort dont il est victime, tout en redoublant d'effort pour sauver l'honneur et le statut familial. Sa relation avec Angélique, animée aussi bien par l'amour, la haine, ou l'attirance physique, offre quelques scènes savoureuses dont une assez mouvementée, aussi érotique que brutale, sous des airs de Barry White. La réalisation réserve ainsi quelques idées réjouissantes, bien qu'un peu mollassonnes.


On retiendra aussi la photographie grisâtre teintée de couleurs vintages, des effets spéciaux surprenants, sans oublier les somptueux décors gothiques du manoir, hautement plus appréciable après l'avalanche de fonds vert qu'était Alice. En conclusion, bien qu'il ne soit pas exempt de tout défauts (le petit twist final tombe comme un cheveu sur la soupe), Dark Shadows est suffisamment divertissant, réjouissant visuellement et Burtonien jusqu'au bout des ongles pour réconcilier le père d'Edward aux Mains d'Argents avec ses admirateurs qui l'avaient autrefois tant applaudi. Pas un grand Burton donc, mais tout de même un bon Burton, et c'est déjà bien.


Ma note: 12/20

jeudi 21 août 2014

L'Emmerdeur (1973)

Réalisé par : Edouard Molinaro
Avec : Lino Ventura, Jacques Brel, Caroline Cellier


Un tueur à gages sur un "contrat" se voit dans l'obligation, de sauver la vie d'un commis voyageur aux tendances suicidaires. Rapidement, ce dernier devient très collant, empêchant le tueur dans sa mission.
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Après avoir su s'imposer dans le grand écran en signant les scénarios d'Appellez-moi Mathilde et Le grand blond avec une chaussure noire, Francis Veber continue son travail d'écriture avec L'Emmerdeur, qui s'appui sur le script de sa propre pièce de théâtre Le Contrat. Pour l'occasion, le scénariste entame sa première collaboration avec le réalisateur Edouard Molinaro, qui se prolongera par la suite avec Le téléphone rose (1975) et les Cage aux folles (1978 et 1980). Mais L'Emmerdeur marque surtout la naissance au cinéma d'un personnage qui deviendra incontournable dans la filmographie de Francis Veber, ainsi que dans la comédie française en général. Il s'agit bien sûr de François Pignon qui, bien qu'apparaissant à chaque fois sous différents traits, personnalités ou métiers, se caractérise comme étant un homme de la foule, gentil mais candide et exaspérant, propulsé dans des situations qui le dépassent et dont il est presque inconscient. C'est donc Jacques Brel qui, pour son dernier rôle au cinéma, va interprété le tout premier Pignon sur grand écran, ici emmerdeur de première au tendance suicidaire suite à un chagrin d'amour. Tour à tour pathétique, éreintant, dépressif, bienveillant et définitivement emmerdant, l'acteur-chanteur remplit son cahier des charges haut la main sans jamais tirer trop fort la corde de la caricature. Il donne la réplique à un Lino Ventura mémorable en tueur professionnel froid et hyper-concentré, qui parvient d'un regard à déclencher des éclats de rire. 


Si la première partie du long-métrage emprunte les codes du polar, la comédie rattrape finalement le tout en amenant son spectateur dans un comique de situation savoureux. Pourtant hyper antipathique dans un premier temps, on finit par se prendre de compassion pour le tueur à gage, qui subit les maladresses, les plaintes et le nombrilisme de Pignon, qui impose sans gêne ses problèmes au reste du monde. Une jolie réussite donc, qui connaîtra en 2008 un remake réalisé par Francis Veber lui-même qui, malgré la patte forcément plus marqué du cinéaste dans ce dernier, reste clairement en dessous de la version d'Edouard Molinaro.

Ma note : 14/20

Django Unchained (2013)

Réalisé par : Quentin Tarantino
Avec : Jamie Foxx, Christoph Waltz, Leonardo DiCaprio


Un esclave noir est affranchi par un chasseur de primes. Le moment est venu de sauver son épouse d'un riche propriétaire de plantation du Mississipi.
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Il en a rêvait, voilà qui est fait. Trois ans après Inglourious Basterds, Quentin Tarantino revient et signe avec Django Unchained son premier western, genre qu'il avait déjà effleuré dans son Kill Bill : Volume 2. L'occasion ici pour le réalisateur cinéphile de rendre hommage aux maîtres italiens du western-spaghetti, tel que Sergio Leone ou encore Sergio Corbucci, réalisateur de Django (1966) dont Tarantino reprend le nom du personnage. Son Django à lui, est un esclave noir déterminé à libérer sa femme du joug de l'exploiteur-blanc, épaulé dans sa quête par Schultz, un chasseur de prime allemand qui l'a affranchi. Une histoire de vengeance, comme on en trouve aussi couramment dans les films du genre que dans la filmographie de Tarantino. Mais là où l'enfant terrible d'Hollywood surprend, c'est dans la contextualisation de son western-spaghetti, projeté ici dans le Sud esclavagiste des Etats-Unis au XIX siècle, deux ans avant la guerre de Sécession. Il dresse ainsi un tableau violent et sans concession de l'esclavage afro-américain, aujourd'hui encore grand tabou de l'histoire américaine, et peu représenté au cinéma. Un propos profondément politique, chose assez inédite chez le cinéaste, dont l'écriture a nettement gagné en complexité et en maturité. Il laisse derrière lui les narrations non linéaires, les entremêlements d'histoires, pour se concentrer ici uniquement sur l'odyssée de Django, son parcours initiatique et l'épopée vengeresse qu'il va mener. D'abord esclave effacé et éprouvé, le respect et l'aide de son émancipateur allemand, amèneront Django à devenir un homme nouveau, libre et fort. Véritable Siegried des temps modernes, il n'hésite pas à se salir les mains afin de sauver sa Broomhilda (parfaite Kerry Washington), tout en punissant ses oppresseurs, appliquant ainsi la vengeance des noirs sur les blancs.


Avec son charisme solide, Jamie Foxx remplit son cahier des charges haut les mains, accompagné de la révélation d'Inglourious Basterds, Christoph Waltz, formidable dans ce rôle taillé sur mesure, insufflant sa classe et son sarcasme savoureux au Dr King Schultz. Le chasseur de prime se verra néanmoins quelque peu éclipsé dés la première apparition de Calvin Candie, le sadique et ultra-violent propriétaire de la plantation Candyland, interprété avec une intensité effrayante par Leonardo DiCaprio. Néanmoins, la palme de l'abjection revient à Stephen, l'esclave de maison traître et haineux, incarné par Samuel L. Jackson.


Tarantino sait soigner ses personnages, et pousse le spectateur à se sentir impliqué dans cette aventure humaine et émouvante, à travers la complicité qui va se tisser entre le tueur à gage et l'ancien esclave, le mentor et le héros. Pour la première fois dans sa filmographie, le cinéaste nous parle d'amitié, et il le fait diablement bien. Mais malgré la maturité de son récit, la gravité du contexte et un montage plus sage qu'à l'ordinaire, Quentin Tarantino n'en oublie en rien de marquer son western de son style fun et violent. Au rendez-vous: geysers d'hémoglobine, séquences d'anthologies, zooms rapides, ralentis, caméos, dialogues incisifs, clins d'oeil, et un humour décalé juteux, qui atteint son paroxysme lorsqu'il tourne en dérision des membres du Ku Klux Klan. Tarantino semble s'être fait plaisir, et c'est communicatif. Sa maîtrise folle de la mise en scène réjouit, tient en haleine, choque et divertit tour à tour le spectateur qui ne voit pas le temps filer. Le réalisateur a, qui plus est, su concocté une bande originale aux petits oignons, comme à son habitude, de l'incontournable Ennio Morriconne, en passant par Johnny Cash, jusqu'à 2Pac et James Brown, pour un résultat détonnant.


Tarantino continue ainsi avec brio et panache sa trilogie sur l'oppression dans l'histoire, débutée avec Inglourious Basterds. Aussi jubilatoire qu'engagé, Django Unchained marque un tournant dans la filmographie du cinéaste qui élève son cinéma encore un cran au dessus. Il y signe l'un de ses meilleurs films, si ce n'est son meilleur.

Ma note: 18/20

Brisby et le Secret de NIMH (1982)

Réalisé par : Don Bluth
Avec : Jane Val, Elizabeth Hartman, Micheline Dax

La situation est grave : la famille de la souris Brisby doit déménager au plus vite mais son fils Timothy est très malade et ne peut pas sortir dans le froid. Mme Brisby est obligée de demander de l'aide à ses voisins, d'étranges rats qui cachent un terrible secret.
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A l'époque où les studios Disney sont en perte de vitesse, trois de leurs animateurs, Don Bluth, Gary Goldman et John Pomeroy, s'associent et réalisent en parallèle de leurs carrières un moyen métrage: Banjo, The Woodpile Cat, qui nécessita pas moins de cinq années de travail, avec en guise de local le garage de Don Bluth. Fort heureusement, le succès critique est au rendez-vous, et les investisseurs ne tardent pas à pointer le bout d'leur nez. Les animateurs claquent alors la porte de chez Disney, dont ils déplorent la perte de créativité, et décident d'adapter en toute indépendance le roman de Robert C. O'Brien: Mrs. Frisby and the Rats of Nimh. Le budget est limité, et le pari nettement risqué pour ses hommes qui s'aventurent sur les plates-bandes de la maison Mickey, concurrencée pour la première fois de son histoire.
Sous ses airs de dessin animé léger et bon enfant, avec pour personnages principaux des souris, Brisby et le secret de Nimh a de quoi surprendre, comme l'atteste l'introduction du long-métrage, qui donne clairement le ton. Décors lugubres, ambiance glauque et inquiétante, mystérieux personnage, ces premières minutes sont d'autant plus déstabilisantes qu'elles annoncent un récent décès, celui de Jonathan Brisby. Mais si ce personnage n'apparaîtra jamais au cours du récit, hormis lors d'un flash-back, son importance n'en ai pas pour autant amoindri, et son absence se fera cruellement pesante tout au long, puisqu'il laisse derrière lui 4 souriceaux et sa veuve, Brisby. Véritable mère-courage, cette dernière devra, pour sauver son fils malade, affronter difficultés et épreuves colossales pour le si petit être qu'elle est. Armé d'enjeux dramatiques forts, le long-métrage est rythmé par un constant sentiment d'urgence, d'une perpétuelle impression de danger. Une idée soulignée par l'inhospitalité des environnements que Mrs Brisby sera amené à traverser, de la demeure effrayante et grouillante d'insectes du terrifiant Grand Hibou, à la lugubre cité souterraine aux allures gothiques des rats.

La musique composée par Jerry Goldsmith accentue d'autant plus cette ambiance sombre et dramatique, oscillant entre morceaux d'une étonnante noirceur, et d'autres plus massifs qui accompagnent les séquences d'action, notamment lors de l'attaque de l'effroyable chat Dragon. En opposition, le thème principal de la partition se veut apaisant, réconfortant même, illustrant parfaitement l'élément moteur du long-métrage, à savoir l'amour maternel. Une idée retrouvée dans l'unique chanson du long-métrage (<< Pour l'amour d'un enfant >>), qui a la particularité de ne pas interrompre l'action, se contentant d'accompagner discrètement la scène qu'elle présente. Là encore, on comprend ce choix comme une volonté pour les producteurs de se démarquer des studios Disney, qui agrément la majorité de leurs long-métrages de nombreux numéros musicaux.
Mais l'atypisme de Brisby et le secret de Nimh repose essentiellement dans ses thèmes abordés, passant par la mort, le deuil, le rejet de l'inconnu, la vengeance, la trahison, ou encore l'expérimentation animale (NIMH est d'ailleurs le sigle de National Institute of Mental Health, institution réellement existante). Don Bluth va même pousser le ton grave de son long-métrage plus loin encore dans sa dernière partie, où il n'hésite pas à blesser et à donner la mort à certains personnages, sans parler du sang visible à l'écran. Néanmoins, l'animateur n'oublie pas à quel public il s'adresse, et incorpore au récit le corbeau Jérémy, maladroit au possible mais suffisamment drôle pour laisser souffler le jeune public quelques minutes, et ainsi donner un peu de légèreté au périple presque désespéré de l'attendrissante Brisby.


Côté animation, le résultat est très fluide et réaliste, les dessins très détaillés. Les 20 années de bons et loyaux services passées chez Mickey ne passent pas inaperçu, tant on retrouve dans l'animation de Brisby et le secret de Nimh un peu de Robin des Bois et Les Aventures de Bernard et Bianca, sur lesquels Don Bluth avait travaillé.
En conclusion, l'ex-dessinateur de chez Mickey inscrit son film dans la lignée de ce qui se faisait à cette époque, où l'on considérait les enfants plus aptes à encaisser ce qu'ils pouvaient voir à l'écran. Mais là où les studios Disney ont échoués 3 années plus tard avec Taram et le chaudron magique, l'équipe de Don Bluth Productions elle réussit son coup grâce à des personnages consistants et un scénario solide, pour une oeuvre aboutie et marquante.

Ma note : 16/20

The Duchess (2008)

Réalisé par : Saul Dibb
Avec : Keira Knightley, Ralph Fiennes, Charlotte Rampling

Bande-annonce

L'Angleterre de 1774. Georgiana Cavendish Spencer épouse le Duc de Devonshire alors qu'elle n'a pas encore 17 ans. Elle croit en l'amour, lui veut un héritier. Alors que son mari l'ignore en-dehors des exigences de l'étiquette et des devoirs conjugaux, Georgiana brille en société, entre autres par son goût immodéré du jeu et ses extravagances vestimentaires. Devant ses échecs répétés pour donner un héritier à son mari, elle finit par accepter les infidélités de ce dernier. Puis elle rencontre Charles Grey, appelé à devenir Premier Ministre...
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Si Lady Diana demeure une figure emblématique de son époque, on peut en dire tout autant de son ancêtre Georgiana, la Duchesse du Devonshire, aussi aimée par le peuple que malheureuse dans sa vie affective. S'appuyant sur la biographie de la duchesse écrite par Amanda Foreman, le jeune réalisateur Saul Dibb retransmet à l'écran le portrait fascinant d'une femme victime de son époque, de ses moeurs et de ses conventions. Emprisonnée dans un mariage sans amour ni affection avec le Duc de Devonshire, Georgiana devra composer avec son devoir d'épouse, les infidélités et la froideur de son époux, un ménage à trois, la pression de sa vie publique et son idylle impossible avec Charles Grey. Outre la comparaison tentante avec la vie de son arrière-arrière-arrière-petite-nièce Lady Di, l'histoire de la Duchesse du Devonshire fait écho à une autre grande figure féminine controversée de l'époque, celle de la dernière reine de France Marie-Antoinette. Toutes deux délaissées par leurs époux respectifs, elles partagent un certain goût pour les jeux d'argents et les soirées mondaines, et la question d'engendrer un héritier mâle était devenue obsessionnelle chez les deux femmes. Mais alors que Sofia Coppola avait fait de son Marie-Antoinette un film biographique décalé à la mise en scène pop et glamour, Saul Dibb lui a pris, au contraire, le parti d'une réalisation très classique. Néanmoins, grâce à la maîtrise de ses plans, et au scénario qui n'aura de cesse d'amener son spectateur dans un ascenseur émotionnel, The Duchess évite le piège du film-documentaire, malgré son académisme.


Appuyé par une distribution de renom, le long-métrage a déniché pour son rôle titre une grande habituée des films d'époques romantiques et des corsets serrés. Keira Knightley apporte toute la vivacité, l'élégance et le charisme indispensable pour redonner vie à cette Duchesse, égérie de son époque et du parti libéral britannique, les Whigs. Dommage d'ailleurs que The Duchess ne fasse qu'effleurer l'implication politique de cette femme intelligente, influente et résolument moderne. Tout comme son amour du jeu d'ailleurs, qui l'amena au surendettement à la fin de sa vie, un fait pourtant à peine abordé ici. Le personnage aurait gagné en nuance, édulcorant cette idée de la femme trop parfaite, bien que très attachante, qui se contente d'essuyer les épreuves et les affronts dont l'inflige son mari. Flegmatique, misogyne et odieux, Ralph Fiennes est parfait dans la peau de ce riche aristocrate britannique parfaitement haïssable, mais qui dévoile néanmoins une grande complexité, tant on le sent lui même embrigadé par les contraintes, les codes et le comportement à adopter imposé par son rang.



Les autres atouts majeurs du film sont assurément la panoplie de costumes somptueux (récompensé à juste titre par un Oscar), les décors naturels des plus beaux domaines britanniques, une photographie soignée ou encore la musique violoneuse de Rachel Portman. Artistiquement parlant, on ne peut donc qu'applaudir cette retranscription historique minutieuse, que le récit va parfaire en évoquant avec justesse les coutumes, les usages et la piètre condition de la femme, même dans les hautes sphères de la société. Georgiana, la Duchesse du Devonshire, en est l'un des meilleurs exemples de l'Histoire, à travers une existence faîte de sacrifices, où la naïveté de la jeunesse et ses illusions laissent peu à peu place à la résignation. Émouvant, prenant voire poignant, The Duchess lui rend amplement justice, ainsi qu'à toutes les femmes qui ont jadis défendu leur liberté.

Ma note: 15/20

mardi 19 août 2014

Taram et le chaudron magique (1985)


Réalisé par : Ted Berman, Richard Rich
Avec : Grant Bardsley, Thierry Bourdon, Susan Sheridan

Au coeur du pays de Prydain, un jeune garçon de ferme du nom de Taram se porte volontaire pour une mission héroïque. Equipé d'un glaive aux propriétés magiques, il doit empêcher le perfide seigneur des Ténèbres de tirer profit des pouvoirs surnaturels d'un mystérieux chaudron magique capable de lever une armée de guerriers surpuissants. Dans sa quête, il sera épaulé par la jolie Princesse Eilonwy, par Gurgi, une adorable créature tout en poils et par un attendrissant porcelet doué de clairvoyance prénommé Tirlir...
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Véritable bête noire des studios Disney, Taram et le chaudron magique, dirigé par Ted Berman et Richard Rich, fut un échec cuisant au box-office à sa sortie en 1985, au point même d'être renié par ses propres créateurs. Adapté des Chroniques de Prydain de Lloyd Chudley Alexander, ce 32e long-métrage d'animation marque un tournant dans l'histoire des studios, puisqu'il est intégralement réalisé par la nouvelle génération d'animateurs, chargée de remplacer l'ancienne équipe partie vers une retraite bien méritée. Mais alors qu'on espérait un souffle nouveau pour la firme aux grandes oreilles, jugée has-been par ses détracteurs, ce premier essai (et dernier à ce jour) à l'héroïc-fantasy fut finalement chaotique. Cherchant à séduire les petits comme les grands, Taram et le chaudron magique rate le coche dans sa tentative de compromis. Et bien qu'il faille saluer cette volonté des nouveaux animateurs à sortir des sentiers battus, l'ambiance sinistre et sombre du long-métrage déstabilise, celui-ci devenant alors trop effrayant pour les enfants, mais demeurant trop enfantin pour les adultes. Ainsi, après des premières minutes plutôt douces et paisibles, le tableau s'assombrit rapidement en laissant place aux squelettes, à la magie noire, aux monstres, aux dragons, aux décors glauques, et à la musique angoissante. On aura même droit à un soupçon de sang, un détail important à souligner tant il est rare chez Disney.


Autre fait plutôt inhabituel, concerne bien sûr l'absence de chansons, qui ravira les réfractaires aux comédies musicales, tout en décevant les autres. Mais malgré ces points innovants, le long-métrage reste malgré tout assez "dysnéen", avec un schéma manichéen à souhait et des personnages stéréotypés, et finalement assez fades. On a du mal à se prendre d'affection pour Taram, un héros dépourvu de tout charisme, sans parler de la princesse Eloïse, agaçante au possible. Le script ne prend même pas la peine de se pencher sur leur passé, apparaissant ainsi comme peu fouillés et superficiels, à l'image de leur amourette totalement dénuée d'intérêt et de charme. D'autres personnages eux auraient pu être intéressants, mais sont finalement sous-exploités, comme les sorcières de Morva ou les elfes. Le barbe Ritournel quant à lui, est amené dans le récit comme un cheveu sur la soupe, et semble avoir été placé là dans l'unique but d'amuser la galerie et ainsi alléger le ton sombre du long-métrage. Tentative un peu grossière mais surtout ratée, car le film manque cruellement d'humour. Seul le sympathique et attendrissant Gurki (doublé en français par le grand Roger Carel), sauve un peu la mise, ainsi que Crapaud, le serviteur du vilain de l'histoire : le Seigneur des Ténèbres. Ce dernier fait d'ailleurs un méchant réussit, au physique cadavérique réellement effrayant, et qui n'est pas sans rappeler Chernabog, le démon d'Une nuit sur le mont chauve de Fantasia.


Mais quelques bons éléments ne font pas tout, loin de là, et ne sauvent pas le film qui souffre d'un scénario décousu, bancal, sans rebondissements ni consistance, avec des scènes qui se succèdent sans véritable sens. Il faut dire que la production de Taram et le Chaudron magique a connu quelques remous, avec notamment un changement conséquent avec l'arrivée de Roy Disney et Jeffrey Katzenberg à la direction des studios, qui exigent un remaniement profond du dessin animé déjà bien avancé. Perte de temps, d'argent, et surtout conséquence sur le qualité du film, qui se retrouve amputé là et là de plusieurs scènes, au grand dam des animateurs. Mais la jeune équipe réserve néanmoins quelques bonnes surprises dans leur volonté de révolutionner l'animation comme avait pu le faire leurs aînés. Ils font recours à des techniques hyper innovantes en matière d'effets spéciaux, qui caressent la pupille par endroits, mais qui alourdissent un budget déjà colossal. Alors est-ce par soucis d'économie, par bâclage ou tout simplement par manque d'expérience, le fait est que l'animation se trouve être finalement assez faible de façon générale. Dommage donc pour cette oeuvre (trop) ambitieuse, porté par une nouvelle vague d'animateurs bien déterminée à prendre la relève, mais qui semble ne pas avoir eu les épaules assez solides pour le projet. Le résultat est maladroit et inabouti, et l'échec commercial et critique s'en trouvera accablant. Le studio aurait pu ne pas s'en remettre s'il n'avait pas connu quelques années plus tard une véritable renaissance avec les succès retentissants de La Petite Sirène, La Belle et la Bête, et tant d'autres.

Ma note : 7/20